Contribution au maintien des habitudes de vie des aînés malvoyants

La grande proportion des aînés qui s’adresse aux services spécialisés interroge l’approche de réadaptation. Pour un  accompagnement adapté, il importe que les professionnels privilégient une approche globale basée sur la valorisation des savoir-faire de la personne.

par Marie-Paule Christiaen et Daniel Nicolet

Les troubles de la vue limitent les possibilités des personnes âgées.Les défi cits visuels de la personne âgée
La clientèle du Centre d’Information et de Réadaptation (CIR), un service de l’Association pour le Bien des Aveugles et malvoyants (ABA) à Genève, est constituée en grande majorité de personnes âgées. En 2012, 53 % des bénéfi ciaires ayant reçu des prestations à domicile ont plus de 75 ans, et 29 % plus de 85 ans, atteints en majorité d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Les atteintes visuelles restreignent la communication, l’accès à l’information et la mobilité. La réalisation des activités de la vie quotidienne est compromise, ce qui réduit la qualité de vie. La survenue d’une défi cience visuelle fragilise la personne. La diminution de ses perceptions va perturber son organisation gestuelle entraînant une perte de confi ance dans sa capacité à réaliser certaines de ses activités habituelles. C’est parfois dans cette période déstabilisante que la personne fait appel au service spécialisé en basse-vision, avec la grande attente de retrouver «sa vue d’avant».

La baisse de l’acuité visuelle est régulièrement décrite par les personnes concernées comme une impression d’être dans le brouillard, ce qui rend difficile la réalisation des activités de prise d’information et les tâches de précision. Les conséquences
de l’altération de la sensibilité aux bas contrastes constituent des gênes majeures. Elles se traduisent notamment par la difficulté de reconnaître les visages ou le contenu de son assiette, d’identifier certains obstacles dans les déplacements et de lire les textes  imprimés sur des fonds de couleur ou avec une encre pâle. Motivées par le désir de maintenir leur autonomie, les  personnes mettent en place spontanément des stratégies pour conserver leurs habitudes, au prix d’efforts conséquents.

L’ergothérapeute et l’activité
L’approche de l’ergothérapeute spécialisé en basse-vision contribue à la prise en compte globale de la situation et englobe l’ensemble des activités de la vie quotidienne. Il analyse les demandes et les besoins de la personne malvoyante, il observe les caractéristiques de son environnement, ainsi que sa manière de réaliser ses activités habituelles. Fondée sur une  compréhension médico-psycho-sociale des situations de handicap, l’ergothérapeute s’appuie sur les ressources, les compétences et le savoir-faire de la personne, qui sont repérés et valorisés. Le potentiel multi sensoriel de la personne, y compris les possibilités visuelles encore disponibles, est mobilisé.

Les activités du quotidien que la personne estime importantes sont simplifiées ou adaptées par l’ergothérapeute afin qu’elles puissent être réalisées de façon autonome et en sécurité. Si nécessaire, des moyens auxiliaires vont être présentés et essayés. Un entraînement à leur utilisation est souvent indispensable pour qu’ils deviennent efficaces. De la montre parlante au guide d’écriture en passant par la grande variété des moyens de grossissement, ils sont nombreux et diversifiés.

L’optimisation de l’éclairage et des contrastes comme l’ajout de repères vont faciliter le maintien des habitudes de la personne dans son  environnement. Ces adaptations se révèlent déterminantes pour garantir le respect de l’autonomie et réduire les situations de handicap. Le projet s’élabore avec chaque personne, individuellement. En fonction des objectifs visés, les interventions se modulent en termes de fréquence et d’intensité. Elles peuvent s’inscrire sur du long terme ou rester  ponctuelles. Selon les besoins, elles se déroulent dans les locaux du centre ou dans le contexte de vie du client, à domicile ou
dans des lieux choisis en fonction des objectifs.

L’ergothérapie sont adaptées aux ressources de la personne.L’approche du service spécialisé CIR
Le CIR a un rôle de ressource. Les collaborateurs, assistants sociaux et ergothérapeutes spécialisés informent sur les différentes prestations spécifiques (facilités de transports, Televox, bibliothèques de livres parlés, livres en grands caractères, organisation d’entraide, …) et facilitent l’accès aux prestations sociales et aux activités culturelles et de loisirs adaptés.

L’organisation de séances de groupe, centrées sur les activités, permet l’enrichissement entre pairs. L’échange conforte chacun dans ses capacités à faire face, puisant dans sa propre expérience pour proposer des solutions aux difficultés évoquées. Les participants peuvent s’approprier les connaissances des ergothérapeutes.

L’information et la sensibilisation de l’entourage contribuent à  l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées. Le CIR s’engage pour améliorer la prise en compte des conséquences du déficit visuel tant dans le domaine médico-social qu’auprès des partenaires de la cité, par exemple pour favoriser l’accès à la culture.

Dans une société où les informations visuelles sont abondantes, la déficience visuelle rend les aînés encore plus vulnérables. L’approche globale en gérontologie qui intègre la vision fonctionnelle permet de tenir compte des besoins spécifiques de cette population et d’améliorer leur qualité de vie. Les besoins des aînés évoluent dans un contexte social en mutation. Ils doivent s’adapter à de nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les professionnels de la réadaptation des services spécialisés ont un rôle à jouer pour accompagner les utilisateurs potentiels vivant avec un déficit visuel.

Marie-Paule Christiaen est ergothérapeute spécialisée en basse-vision, M. Sc. EdA et responsable adjointe du CIR à Genève.
Daniel Nicolet est ergothérapeute spécialisé en basse-vision et locomotion et responsable du secteur aînés du CIR.

Bibliographie
∙ Bohn F., (2009) Le rôle de l’ergothérapie dans le conseil pour le logement, dans Ergothérapie, journal de l’ASE, août, p. 13–18

∙ Christiaen M-P., (2004) Vivre mieux dans un environnement visuel adapté, Lumières, Contrastes et repères au service des personnes âgées en EMS, Association pour le bien des aveugles et malvoyants, Genève, 54p., https://www.abage.ch/aba/ch/fr-ch/index.cfm?page=/aba/home/association/environnement_accessible

∙ Holzschuch C., Mourey F., Manière D., Christiaen MP., Gerson-Thomas M. Lepoivre JP. Paulin M., Creuzot-Garcher C., Pfitzenmeyer P. (2012), Gériatrie et basse-vision, Pratiques interdisciplinaires, Solal, collection ergothérapie, 2e édition complétée, Marseille

∙ Kovarski C. (dir.), (2007) La malvoyance chez l’adulte: la comprendre, la vivre mieux, Paris, Vuibert