Laurent Galley, Bibliothèque Braille Romande et Livre parlé

Petros Markaris, Le Justicier d’Athènes : une enquête de Kostas Charitos, Ed. Seuil 2014

1 Livre Audio Daisy (08h52 min.) – disponible aussi en téléchargement (www.bnfa.ch)

Kostas Charitos ? Il s’agit du commissaire Maigret grec, empêtré dans une intrigue policière où s’entremêlent la crise hellène et ses ravages politiques et sociaux. Voici donc le deuxième tome de cette trilogie, après « Liquidations en stock », son premier, permettant au journaliste et écrivain Petros Markaris de faire du polar un authentique roman social. Rien n’est oublié dans cette trilogie, de l’endettement des ménages à la fraude fiscale, en passant par la misère, la tragédie d’un peuple qui souffre, le désespoir des familles devant une jeunesse fuyant le pays, la paralysie des structures d’Etat, et malgré tout, l’ironie d’une situation absurde au cœur d’un drame national. Roman témoignage mais aussi roman exutoire, puisque le serial killer du roman est bien décidé à faire payer les responsables de cette sombre gabegie, en assassinant politiques, hauts fonctionnaires, profiteurs libéraux et corrompus, banquiers pourris. Très documenté, Petros Markaris en profite pour faire la critique d’un système dément dont les effets ne conduisent qu’à exacerber plus encore le fossé entre riches et pauvres. Le dernier tome paru, « Pain, éducation, liberté » est en cours d’enregistrement.

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Milan Kundera, La fête de l’insignifiance, Gallimard 2014

Livre Braille Intégral (2 volumes) – disponible aussi en téléchargement (www.bnfa.ch)

Petite galerie de personnages en sept tableaux a priori anodins, sans conséquences, aux dialogues quotidiens, mais qui n’en évitent pas pour autant de grandes questions philosophiques sur le bonheur, la sagesse, l’amitié, et la vie ou sinon même la politique. Un roman où l’âme slave domine, de sa mélancolie à son enjouement ; où la quête de l’inutilité ouvre sur une forme de paradis terrestre. Savoir se mouvoir dans l’absurde semble être le créneau de Kundera. Etre indifférent à tout, sans rien mépriser, du plus tragique au plus coutumier, c’est prendre conscience du monde sans s’en affecter. Telle semble être la sagesse mise en scène dans ce roman initiatique, désespéré mais avec bonne humeur, où tel un Sartre désengagé, il affirme : « L’insignifiance, mon ami, c’est l’essence de l’existence. »

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Benigno Delgado, Bibliothèque Sonore Romande

Boualem Sansal, 2084 : la fin du monde. Réf. BSR 30548

 Dans l’Abistan, les frontières ont en principe disparu, mais pour le pire. C’est un territoire unifié par la peur et par une religion déformée, véhiculée par une langue artificielle conçue pour le contrôle mental. Un appareil répressif, où chaque voisin est à la fois bourreau et mouchard potentiel, étouffe le rêve. Nous suivons les péripéties d’Ati, personnage attachant dans son ingénuité révoltée, à la fois grain de sable dans les rouages du système et chaînon malgré lui dans l’engrenage du chaos. Impuissant à changer le monde, il en représente néanmoins l’espoir.

Clin d’œil angoissé au « 1984 » d’Orwell, mais avec des allures de fable orientale, ce livre dénonce le totalitarisme religieux et l’anéantissement culturel qui en découle. Le langage de Sansal, ici proche de l’oralité, résonne comme un bavardage au coin du feu, dans une tente au milieu du désert, tandis que dehors le vent souffle et que des présences inquiétantes rôdent. Lire ce livre, écouter l’histoire, c’est en quelque sorte prier pour que la fiction ne devienne pas réalité.