Coups de cœur des bibliothécaires

 

Philippe Cosandey, Bibliothèque Braille Romande et Livre parlé

Jean-François Kervéan, La naissance du sentiment : roman, R. Laffont 2017, 1 Livre Audio Daisy (9 h. 20 min), Réf. 8989A100

Ce récit se déroule à Sparte, à l’apogée de sa puissance militaire. Nous suivons un enfant asthmatique, que sa mère, veuve d’un soldat, dissimule à l’eugénisme ambiant. Au Vème siècle avant Jésus-Christ, cette cité-État se prépare au combat, à l’orée d’une deuxième guerre médique. Elle érige notamment son fameux contingent des 300. Le garçon en question, qui avait échappé à la sélection éliminant les enfants les plus fragiles, s’avèrera un grand guerrier au sein de cette troupe d’élite. Sparte dévoile, au fil du texte, des aspects contrastés et complexes. La rudesse et la violence sont pensées et structurées, témoignage de son hellénisme. Le sort des plus faibles est déplorable, l’égalité débattue mais douteuse alors que le sort des femmes semble plus enviable qu’à Athènes. Le livre distille beaucoup d’informations historiques tout en prenant un ton léger, parfois même familier. Il regroupe de l’érudition, du burlesque et du mythe pour dépeindre une fresque antique. Ce roman permet de s’instruire sur la Grèce ancienne mais aussi de réfléchir au fonctionnement d’une société. Il n’est jamais inutile de remettre en question ce que nous considérons comme une injustice même si elle paraît être une tradition acquise.

 

Claude Tabarini, Rue des gares et autres lieux rêvés, Héros-Limite 2016, Livre Braille Intégral (3 volumes), Réf. 80097A200

Le poète, car c’est bien de poésie qu’il s’agit, trouve son inspiration à travers son expérience personnelle des lieux et des habitants du canton de Genève. Il démontre ainsi qu’il n’est nul besoin de voyager loin pour se nourrir de découvertes multiples. Son projet cible clairement le microcosme qui démontre que l’infiniment petit ou l’infiniment grand se ressemblent avec la même variété de destinées. C’est un assemblage qui nous est proposé, celui d’un touriste multipliant les observations et qui en viendrait presque à se perdre dans la Cité de Calvin. Une attention est portée sur les recoins souvent oubliés et sur le nom des rues en donnant du sens aux éléments qu’occultent souvent le passant pressé.

Il s’attache également aux gens, croisés, rencontrés, voire devenus amis. Il est vrai qu’une ville n’est rien sans les gens qui l’animent. Des rencontres parfois issues du passé, car il côtoie également quelques fantômes. Ses écrits ont d’ailleurs l’apesanteur et la légèreté du monde des esprits. L’auteur se définit lui-même comme l’invisible espion de la poésie. Il semble en effet en mission, tel un chasseur à l’affût d’instants impalpables qui construisent nos émotions et nos souvenirs.

 

Benigno Delgado, Bibliothèque Sonore Romande

Olivier Guez, La Disparition de Josef Mengele, Paris, Grasset, 2017. Durée : 6h 43 min., référence BSR : 35356

Comment l’un des plus grands monstres de la deuxième mondiale a pu mourir de vieillesse et de maladie, sans jamais avoir été jugé ? A la fois roman historique, psychologique, d’aventures et social, ce livre retrace la vie en cavale du SS Mengele, le médecin de la mort d’Auschwitz. De l’Europe au Brésil, en passant par l’Argentine et le Paraguay, c’est tout le réseau de soutien aux nazis, comprenant des dictateurs sud-américains, des sympathisants européens et de riches industriels germaniques (dont la famille Mengele, jamais inquiétée) qui est mis à découvert ici. Sans oublier la complaisance des gouvernements allemands d’après-guerre. La traque s’organise pourtant, mais échoue, pour des raisons que le livre montrera. D’un style sobre, mais palpitant de par le sujet et le propos, le roman d’Olivier Guez est une œuvre de recherche et de dénonciation efficace, doublée d’un avertissement. Une phrase polémique, adressée à l’Allemagne de l’époque, nous incite à la réflexion : « Le même opportunisme qui les a incités à servir le Reich les pousse à embrasser la démocratie ». Puissions-nous rester vigilants.