Pour interagir les uns avec les autres, les êtres humains déploient – souvent inconsciemment – leurs compétences sociales. Cependant, en présence de personnes en situation de handicap visuel, bien des comportements paraissant évidents doivent être reconsidérés et adaptés. En effet, chez de nombreuses personnes voyantes, certaines compétences sociales spécifiques font défaut, ce qui peut taper sur les nerfs des personnes en situation de handicap visuel. La youtubeuse Ypsilon explique dans ses vidéos les choses auxquelles les personnes voyantes devraient faire attention.

l'image montre un extrait d'une vidéo Youtube avec la youtubeuse Ypsilon.
La youtubeuse Ypsilon partage ses expériences sur Youtube. / Photo: @ypsilon7341

par Michel Bossart

Sont définies en psychologie comme des « compétences sociales » l’ensemble des performances sociales d’un individu utiles ou nécessaires pour interagir avec autrui. Bien que fréquemment, la notion de compétences sociales ait une connotation positive, elle est en principe exempte de jugement moral. Chaque fois que des individus interagissent – que ce soit au sein de la famille, d’une association, d’un parti, à l’école ou dans le cadre d’activités criminelles de la mafia ou d’un gang –des compétences sociales sont sollicitées. Sans elles, impossible de communiquer et d’interagir les uns avec les autres.
Lorsque les voyants rencontrent des personnes aveugles ou malvoyantes, les faux-pas sont monnaie courante. Bien qu’ils ne soient généralement ni conscients ni intentionnels, ils attestent manifestement un manque de compétences sociales.

Une reconnaissance réciproque

Le « Knigge-Ratgeber », guide de référence du savoir-vivre allemand, a formulé des astuces pour un comportement respectueux face aux personnes en situation de handicap. Il recommande par exemple d’éviter dans la conversation des banalités axées sur le handicap, fruits d’une simple curiosité. Fabiana, une femme aveugle qui vit à Cologne, diffuse des vidéos sur Youtube sous son nom d’artiste, Ypsilon. Il y est notamment question des attitudes agaçantes des voyants à l’égard des aveugles. Elle confirme les recommandations émises. Dans une de ses contributions, elle explique : souvent, ce n’est pas la personne qui constitue le centre d’intérêt du voyant lors d’une rencontre, mais son handicap. « Il m’est déjà arrivé qu’une personne me questionne cinq minutes sur ma cécité et disparaisse aussitôt les réponses obtenues. »
Autre exemple : lorsqu’une personne aveugle ou malvoyante se déplace de façon autonome, elle n’a pas forcément besoin d’aide, mais apprécie généralement l’offre de soutien proposée. Ypsilon met les internautes en garde : « Laissez-nous décider de ce que nous sommes capables de faire nous-mêmes ou non. Ne sommes-nous pas les mieux placés pour connaître nos limites ? » En cas d’hésitation à proposer son aide, il suffit de s’adresser à la personne concernée qui clarifiera la situation. A force de vouloir aider, certains se montrent envahissants, déclare le guide. Mais qui donc apprécie ce genre d’intrusion ? Acceptons simplement que la personne concernée ne souhaite pas recourir à l’aide proposée.
De manière générale, Ypsilon conseille de s’adresser à une personne aveugle ou malvoyante ainsi : « Bonjour, vous vous en sortez ? » Voilà une formulation respectueuse qui exprime à la personne concernée la confiance de son interlocuteur dans sa capacité de se débrouiller, tout en lui proposant son aide. Ainsi chacun y trouve son compte, résume Ypsilon, car personne n’est heurté ni par un oui, ni par un non.  

Comment saluer correctement

Il est souvent arrivé à Ypsilon que l’on parle d’elle en sa présence, ou que l’on pose à son accompagnant des questions la concernant, du genre : « Est-elle aveugle ? Que souhaite-t-elle boire ?, etc. » Or, il serait parfaitement possible et judicieux de lui poser ces questions directement. En effet, les personnes en situation de déficience visuelle ne sont pour la plupart pas sourdes, peuvent parler et n’apprécient guère d’être mises à l’écart.
Autre cas de figure : pour que les personnes en situation de déficience visuelle puissent se déplacer sans danger, elles sont tributaires d’espaces sans obstacles. Munies de leur canne blanche, elles se dirigent – partout où celles-ci existent – à l’aide des lignes de guidage tactiles, des bordures des trottoirs et des murs des maisons. Ypsilon précise : « Souvent, je ne remarque un vélo parqué près d’une maison qu’après avoir trébuché dessus ». Elle serait heureuse que les voyants prennent conscience de ce genre de dangers et s’abstiennent, à la gare, de poser leurs valises sur les lignes de guidage ou de parquer leur véhicule sur des points de repère essentiels à leur orientation.     
Un autre aspect concerne la communication. Selon le « Knigge-Ratgeber », il vaut mieux communiquer trop que trop peu. Ypsilon partage cet avis. Un simple bonjour suffit rarement. En effet, ce mot est trop court pour permettre à la personne aveugle de reconnaître qui la salue et de localiser son interlocuteur. Il vaut mieux prononcer une phrase entière du style : « Salut, c’est moi, Marco, qui te tends la main. » Ainsi, la personne ne sait pas seulement qui lui parle, mais encore qu’on lui tend la main – et donc qu’on ne va ni lui donner l’accolade, ni lui faire la bise. Les voyants doivent de toute façon s’habituer à parler davantage et à mettre des mots sur leurs actions. Des phrases descriptives telles que « Madame Martin vient d’entrer » ou « Je pars chercher quelque chose à la cuisine » donnent des indications à la personne non-voyante et lui évitent la situation embarrassante de s’adresser à une chaise vide.

Appelons un chat un chat

La Youtubeuse de Cologne conseille à toute personne perplexe face à une personne en situation de handicap visuel de s’informer. De nombreux guides et conseils sont facilement disponibles sur internet à cette fin. Mais il est encore plus simple de parler directement à la personne concernée. Tous les guides ou presque sont d’accord : inutile de craindre d’utiliser certaines tournures comme « Au revoir » ou « C’est une question de point de vue ».  En effet, généralement, les personnes concernées ne se formalisent guère de l’emploi de telles expressions