Un élève en train de skier avec son moniteur.
Par des consignes, le guide indique au skieur en situation de handicap visuel quand tourner, s’arrêter, saisir l’arbalète ou la lâcher. / Photo: Sonnenberg Baar

Pour la 35e fois, des enfants en situation de handicap visuel du Heilpädagogisches Schul- und Beratungszentrum Sonnenberg (centre de consultation et école spécialisée pour enfants et adolescents handicapés de la vue) sont partis en camp de ski à St-Moritz. Pour la 18e fois déjà, Claudia Friedli y a aussi participé. Elle est responsable au Sonnenberg de l’offre « Voir » et évoque le point culminant annuel du calendrier scolaire.

Par Michel Bossart

Depuis 1981, l’école de ski de St-Moritz, pionnière en Suisse, forme des monitrices et moniteurs de ski pour personnes aveugles et malvoyantes. Munis de lunettes noires et de simulation, ils se préparent à cet enseignement délicat. L’offre proposée en Engadine a tout de suite connu un grand succès, en particulier auprès des clients étrangers. En 1985, l’école de ski a adressé une lettre aux écoles pour enfants malvoyants en Suisse. Le texte relevait notamment : « Des personnes en situation de handicap visuel du monde entier viennent skier à St-Moritz ; où sont donc les enfants et adolescents suisses ? » Le centre du Sonnenberg à Baar a été le seul à réagir à ce courrier et en 1986 déjà, les deux premières classes primaires s’en sont allées en vacances de ski à St-Moritz.
Claudia Friedli accompagnait déjà pour la 18e fois une trentaine d’enfants à St-Moritz en camp de ski. Elle est responsable de l’offre « Voir » et a rejoint le Sonnenberg en tant que professeure de sport. Elle raconte : « Le camp de ski est très apprécié par nos élèves ; pour beaucoup, il est le point culminant de l’année scolaire. » Les enfants qui viennent pour la première fois sont bien sûr curieux, mais aussi très anxieux. Elle rigole : « Au plus tard quand les enfants enfilent pour la première fois les chaussures de ski, ils se disent qu’ils ne pourront jamais rien faire de bon avec ces trucs lourds aux pieds. » Ces premiers pas constituent une étape délicate et exigent beaucoup de concentration et de compétence professionnelle de la part de l’enseignant qui cherche à éveiller et à encourager l’envie et l’enthousiasme d’apprendre quelque chose de nouveau.

Perches, anneaux et radio bidirectionnelle
Passé cette première étape, les enfants apprennent dans la neige les mouvements élémentaires du ski. Pour les aider, les moniteurs recourent à des perches et des anneaux. Par la suite, les sorties en ski sont (aussi) possibles grâce à une radio bidirectionnelle : suivant l’acuité visuelle de son élève, le moniteur se tient devant ou derrière lui et lui lance des consignes : « Droite », « Gauche » ou « Halte » pour freiner gentiment jusqu’à l’arrêt complet et « Halte !!! » énergique pour un arrêt d’urgence. « Pour la personne accompagnante, skier avec des personnes en situation de handicap visuel est un grand défi », dit Claudia Friedli. Elle doit veiller à sa propre sécurité et à celle des élèves et surveiller en même temps toute la pente. Les consignes vocales permettent aussi d’assurer la prise de l’arbalète ou le trajet en télésiège : « 3, 2, 1, attention, arbalète » ou « 3, 2, 1, descendre ».
Aujourd’hui, l’école de ski de St-Moritz occupe 28 monitrices et moniteurs pour personnes malvoyantes. Les élèves suivent tous les jours quatre heures de cours pendant lesquelles chaque enfant a son moniteur ou sa monitrice personnelle. Suivant le niveau de maîtrise, les cours se déroulent au Snowliland à Celerina ou sur le domaine skiable de Corviglia. Le camp de ski est financé grâce à un fonds spécial et des dons. Des accords intéressants ont pu être négociés avec l’école de ski de St-Moritz et, pour ce qui est de la location du matériel, avec un magasin de sport de la ville. « Pour les parents, il n’y a pas de frais supplémentaires », assure Claudia Friedli.

Un apprentissage pour la vie
« Pour les enfants, le camp de ski n’est pas seulement une précieuse expérience du point de vue sportif », estime Claudia Friedli. La semaine à la neige permet aussi d’améliorer les compétences sociales, l’orientation et la mobilité. « De plus, nous entraînons les activités de la vie journalière telles que l’essuyage de vaisselle et le nettoyage des tables. En effet, les enfants sont mis à contribution dans le quotidien du camp et apprennent à organiser leur vie de manière autonome. »
Chaque année, les camps de ski constituent un moment marquant – non seulement pour les élèves, mais aussi pour les quelque 15 personnes qui les accompagnent. Elle se souvient avec un plaisir particulier de l’année où l’hôtel Europa a, à l’occasion de ses 40 ans, invité 40 personnes du Sonnenberg à y séjourner pendant le camp de ski. Depuis cinq ans, les jeunes sportives et sportifs et leurs accompagnantes et accompagnants s’installent dans un tout nouveau gîte à Celerina. « Le bâtiment est vraiment cool », s’enthousiasme Claudia Friedli. « Nous pouvons le louer à un prix attrayant. Il comprend entre autres une cuisine spacieuse où nous pouvons cuisiner nous-mêmes, un grand salon et, pour les enfants, des chambres à quatre lits avec douche et WC. » La maison appartient à la St.-Antonius-Stiftung dont l’objectif est d’offrir à des enfants et jeunes en situation de handicap une maison avec de bonnes conditions-cadres. Le gîte se trouve à seulement cinq minutes de la zone de l’école de ski si bien que les jeunes peuvent rentrer à midi pour y prendre le repas.
« Il est réjouissant lorsque les enfants peuvent retrouver les mêmes monitrices et moniteurs d’une année à l’autre. Une relation de confiance et un sentiment de sécurité peuvent ainsi se créer », ajoute encore Claudia Friedli. Il est presque sûr que le camp de ski aura encore lieu à l’avenir : « Il a une place fixe dans nos agendas !»