Nombreuses sont les maladies oculaires qui sont considérées comme des maladies orphelines. Les uvéites, le glaucome congénital et le rétinoblastome en font partie et apparaissent pendant l’enfance. Combien de personnes sont concernées chaque année par ces maladies ? Quels sont les traitements actuels ? Et quels sont les moyens mis en place pour faire avancer la recherche à ce sujet ?

Par Prof. Yan Guex-Crosier*, Consultation des uvéites / Immuno-infectiologie oculaire, Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, FAA, Lausanne

Le professeur Yan Guex-Crosier examine un enfant

Photo: Fondation Asile des aveugles

Les maladies qui surviennent chez moins de 1 personne sur 2000 sont classées dans les maladies rares. Ces maladies sont également désignées comme maladies orphelines ; elles n’ont souvent pas permis le développement de traitements spécifiques en raison de leur rareté. Les définitions peuvent varier en fonction des pays. Aux Etats-Unis, une maladie est considérée comme rare si elle touche moins de 200 000 patients. Ce qui correspond à une prévalence (nombre de patients touchés dans une population) de moins 6.4 pour 100 000 habitants aux Etats-Unis et en Europe à 5 pour 100 000 habitants.

Un grand nombre de maladies rares sont d’origine génétique (environ 80% d’entre elles).
En ophtalmologie, un grand nombre de maladies sont classées dans les maladies orphelines. Elles peuvent se développer à tout âge, mais une grande partie apparaît pendant l’enfance. Cet article va traiter de trois classes principales de maladies rares afin d’illustrer les moyens mis en œuvre pour soulager ces patients et améliorer leur santé visuelle.

Uvéites ou inflammations oculaires :
Il s’agit d’une des causes importantes de baisse de vue de l’enfant qui peut être évitée grâce à un traitement adéquat. L’inflammation oculaire ou uvéite survient chez l’enfant à raison de 4.9 enfants pour 100 000 enfants par année. Avant l’ère de la cortisone, 50% des enfants atteints d’arthrite juvénile idiopathique** avaient un pronostic visuel sombre. Plus de soixante causes différentes peuvent être à l’origine d’une inflammation oculaire. L’inflammation oculaire produit une rougeur oculaire, une gêne à la lumière (photophobie). Toutes les structures de l’œil peuvent s’enflammer. Les grands centres suisses en charge du traitement des uvéites pédiatriques fonctionnent en réseau offrant une communication étroite entre les ophtalmologues et les rhumatologues pédiatres.

Glaucome congénital :
Le glaucome congénital est également une affection très rare survenant lors de 1 sur 10’000 naissances. Une augmentation de la pression intraoculaire survenant avant l’âge de trois ans donne à la cornée un aspect de verre dépoli (œdème de la cornée) qui peut être associée à un larmoiement abondant et à une gêne à la lumière et à un spasme des paupières. Comme le tissu de l’œil est encore élastique avant l’âge de trois ans, une augmentation du diamètre oculaire peut également survenir (grands yeux). Les traitements du glaucome ont considérablement progressé tant sur le plan chirurgical que médical. Une des premières mesures est une opération pour ouvrir le canal permettant un meilleur écoulement de l’humeur aqueuse et une diminution de la pression oculaire.

Rétinoblastome :
Le rétinoblastome est une tumeur maligne de la rétine apparaissant chez le très jeune enfant. Son incidence annuelle est de 1 patient sur 14 000 – 35 000 naissances. Plus de la moitié des rétinoblastomes sont diagnostiqués avant l’âge de deux ans. Cette tumeur autrefois mortelle est actuellement curable dans la plupart des cas. Les traitements sont effectués dans des centres hautement spécialisés. Des progrès considérables ont pu être réalisés grâce aux chimiothérapies focales telle que la chimiothérapie intra-artérielle et intra-vitréenne.

Dépistage et prévention:
Ces trois grandes familles de maladies ont en commun un risque important pour la vue pouvant impacter gravement le futur pour le patient. Des visites de dépistage ponctuelles sont nécessaires pour surveiller les complications éventuelles telles que le glaucome, la cataracte, le décollement de rétine ou l’amblyopie. C’est pourquoi l’enfant, chez qui le système visuel n’est pas complètement développé, doit bénéficier de mesures préventives de correction en service de strabologie afin d’éviter une amblyopie définitive.

Cataracte blanche survenue chez un enfant de 7 ans présentant une uvéite sur arthrite juvénile idiopathique associée à une inflammation oculaire évoluant à bas bruit asymptomatique.

Photo: Fondation Asile des aveugles

Les médicaments développés pour ces maladies sont également désignés sous forme de médicaments orphelins. Une demande au médecin conseil est souvent nécessaire pour obtenir le remboursement. Pour cette raison, des centres de compétence nationale et internationale ont été mis en place par les médecins en charge de maladies orphelines. Ils sont le plus souvent localisés dans les hôpitaux universitaires. Leur liste est disponible sur www.orphanet.ch

Afin de faire progresser les connaissances et les traitements, des centres de compétence se sont organisés en réseaux pour les étudier et les ont regroupés en cohortes. Les patients peuvent accepter, après signature d’un consentement éclairé, de faire partie de cohorte de patients, permettant de faire progresser plus rapidement les connaissances sur leur maladie et leur prise en charge. Ces réseaux de compétences sont également bien connus des associations de patients qui apportent une aide considérable pour améliorer la prise en charge des maladies orphelines.

*Le Professeur Yan Guex-Crosier est le représentant de l’Hôpital Jules-Gonin pour les maladies oculaires dans le réseau de la KOSEK (réseau national de la coordination des maladies rares). Ce réseau a comme but de mettre en réseau les centres nationaux de maladies rares et les spécialistes de ces maladies. Il fait partie du concept de prise en charge des maladies rares élaboré par l’OFSP.
**L’arthrite juvénile idiopathique est l’ensemble des atteintes inflammatoires articulaires sans cause reconnue, débutant avant l’âge de 16 ans et de durée supérieure à 6 semaines (source www.orpha.net)