Jean-Marc Meyrat, Bibliothèque Braille Romande et Livre parlé

Jean Troillet, une vie à 8000 mètres, numéro 8642, braille intégral (6 volumes) ou CD audio (8h11 minutes), également disponible en téléchargement sur www.bnfa.ch.

Pour cette première édition 2017 de tactuel, la Bibliothèque Braille Romande et Livre parlé vousprésente un livre formidable qu’ont consacré Charlie Buffet et Pierre-Dominique Chardonnens à Jean Troillet, une véritable légende de l’alpinisme. Pendant plus de 30 ans, Jean Troillet a arpenté la haute altitude en compagnie des plus grands alpinistes de son temps. Il compte à son actif dix sommets de plus de 8000 mètres, tous vaincus en style alpin en transportant lui-même tout son équipement comme dans les Alpes, et sans l’apport d’oxygène.

Il y a un monde entre les Alpes et l’Himalaya. Un monde où les heures deviennent des jours, les mètres des kilomètres et les voies, des expéditions. Un monde aussi, entre le grimpeur qui enchaîne à moitié nu les sommets cotés 7c, sur une échelle de 1a à 9b et le summiter bardé de sponsors. Un monde dont les frontières ne sont pas si imperméables et que franchissent certains à des moments-clés de leur existence. Ne reste alors de commun, aux équilibristes et aux aventuriers, que le ciel et ses caprices. Jean Troillet appartient à cette race de conquérants qui s’évertuent à expliquer que c’est bien plus beau lorsque c’est inutile. De sa turbulente jeunesse, Jean Troillet a conservé la fraîcheur d’un regard qu’il promène presque naïvement sur les êtres, les choses et les événements de sa vie.

« Cet Everest-là vaut dix 8000, Loretan est un génie! » s’exclamera Reinhold Messner au lendemain de l’ascension record du valaisan Jean Troillet et du gruyérien Erhard Loretan en 1986.

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André Ourednik – Les cartes du boyard Kraïenski – La Baconnière, Genève 2015, numéro 8389A100, 1 CD (7h27 min)

L’auteur se plaît à évoquer Bukowski ou le père Ubu. C’est peut-être une des clés de son roman, un peu de burlesque désabusé qui s’associe à quelques notes philosophiques, avec en filigrane des notions scientifiques de géographie. Nous suivons un post-doctorant, mandaté pour un projet de cartographie aux confins de l’Europe. Notre héros se retrouve en Dacénie (pays imaginaire et boisé), dans l’optique de scanner une collection de cartes. Elle appartient à un noble de cette région post-soviétique. Personnage folklorique, respecté des paysans locaux, il vit dans un château kafkaïen, situé hors du temps.

Il va s’avérer compliqué de figer les frontières, comme le reste. Les choses finissent toujours par se décomposer à l’image du personnage principal, peut-être pour mieux se recomposer.

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Benigno Delgado, Bibliothèque Sonore Romande

 Leonardo Padura Fuentes, Ce qui désirait arriver, Métailié, 2016. Durée : 7h31 min. Réf. BSR 33380.

A travers les désirs exprimés dans ces 13 nouvelles, c’est l’histoire récente de Cuba qui se dévoile. Aimer sans limites, choisir son métier sans contrainte, visiter un célèbre musée, manger (après trente ans de pénurie) un feuilleté à la goyave, survivre à la guerre en Angola, survivre au quotidien : des souhaits simples, difficiles, inavouables ou inavoués des Cubains de tout âge et origine. On y perçoit les mutations d’un pays où le plaisir est devenu un exploit, où la violence et le désœuvrement pointent au coin de la rue, dans un contexte qui favorise la frustration. Mais des frustrations peut naître la beauté, une beauté au parfum de rhum, de sexe, de nostalgie et d’impossible. Et quand on ne peut pas se sauver à la nage, on se sauve par la littérature, par la musique ; on se sauve par le souvenir.

Le langage de Padura est cru et poétique à la fois, percutant sans être dérangeant. Qu’on soit à la Havane, à Luanda, à Venise ou à Madrid, ce sont des destins cubains – de la pianiste au voyou – qui nous sont montrés avec empathie et tendresse, mais sans concessions.