Das Bild zeigt das Panorama des Matterhorn mit einem unscharfen weissen Fleck in der Mitte.
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) engendre une perte centrale de la vision.

À quel moment référer une personne qui présente une DMLA aux services de réadaptation en basse vision? Cette question a fait l’objet d’une enquête auprès de spécialistes en réadaptation et d’ophtalmologues en Suisse romande.

par Mira Goldschmidt, Clarisse Mottaz, und Romain Bertrand

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est la principale cause de basse vision (BV) chez les personnes âgées. Les personnes ayant une DMLA subissent une perte progressive de la vision centrale, ce qui impacte leur capacité à réaliser certaines activités de la vie quotidienne comme la lecture, les activités domestiques, les déplacements, ainsi que les loisirs.
Les patientes et patients peuvent être référés par leur ophtalmologue pour une réadaptation en BV. Le développement de stratégies visuelles et non-visuelles, l’introduction et le conseil de moyens auxiliaires (optiques et non-optiques) ou l’aménagement de l’environnement sont différentes interventions proposées au sein des services spécialisés en BV par des spécialistes de la réadaptation.
Alors que les conséquences au quotidien de la DMLA évoluent avec l’aggravation de la maladie, il n’existe à ce jour que peu d’informations dans la littérature spécialisée relatives au moment opportun pour adresser des personnes vers des services de réadaptation. Le but de cette enquête est de mieux identifier ce moment opportun, à partir des pratiques actuelles des ophtalmologues et des spécialistes de la réadaptation en BV. L’étude «Le moment opportun» a été réalisée par Mira Goldschmidt sur mandat de l’Union centrale suisse pour le bien des aveugles UCBA, en collaboration avec Clarisse Mottaz et Romain Bertrand.

Méthode

La présente enquête de type qualitative descriptive, a été réalisée dans le canton de Vaud. Les données ont été récoltées auprès d’ophtalmologues et de spécialistes de la réadaptation en BV, toutes et tous ergothérapeutes. Ces données ont toutes été traitées de manière confidentielle et anonyme. La participation était volontaire, aucune rétribution n’était prévue.
Les participantes et participants ont donné leur avis sur le moment opportun pour référer une personne à un service de réadaptation. Un questionnaire a été envoyé aux ophtalmologues membres de la société vaudoise de médecine par courrier électronique. Sept ophtalmologues ont répondu au questionnaire. L’ensemble des ergothérapeutes spécialistes de la réadaptation en BV ont été contactés par téléphone. Toutes et tous (N=7) ont accepté de participer à l’étude. La phase de récolte de données s’est déroulée lors d’un entretien individuel de 15 à 30 minutes réalisé par téléphone. Les entretiens étaient semi-dirigés, soutenus par une grille de questions préétablies permettant de discuter le moment que les ergothérapeutes identifiaient comme opportun pour référer une personne qui présente une DMLA aux services de réadaptation en BV.

Résultats

L’analyse des données permet d’identifier trois moments opportuns selon les personnes participantes. Les résultats sont organisés par profession.

Le moment opportun d’après les ophtalmologues Les ophtalmologues ont rapporté plusieurs moments qui leur semblent opportuns pour référer les patientes et patients ayant une DMLA à un service de réadaptation en BV. Leurs réponses sont classées ci-dessous selon le nombre de fois que la réponse est donnée:

  1. Lorsque la personne présente une incapacité
    à lire et une baisse de l’acuité visuelle
    (nombre de réponse (N)= 5)
  2. Lors de plaintes des personnes ou à leur demande
    (N= 2)
  3. Dès le moment du diagnostic (N= 1)

Le moment opportun d’après les spécialistes de la réadaptation en BV Les spécialistes de la réadaptation en BV ont identifié les trois mêmes moments que les ophtalmologues, mais leur fréquence d’apparition diffère.

  1. Dès le moment du diagnostic (N= 4)
  2. Lors de plaintes des personnes ou à leur demande
    (N= 2)
  3. Lorsque la personne présente des difficultés
    de lecture (N= 1)

Discussion Il ressort une absence de consensus concernant le moment opportun pour débuter une intervention de réadaptation en BV des personnes ayant une DMLA entre les spécialistes de la réadaptation en BV et les ophtalmologues interrogés. Les ophtalmologues identifient comme moment opportun une acuité visuelle trop basse pour que la personne puisse lire, alors que les spécialistes de la réadaptation en BV priorisent la pose du diagnostic de la DMLA, soit le plus tôt possible.
La différence entre ces deux moments peut être importante. L’évolution de la DMLA n’est pas prévisible et parfois des mois peuvent se passer entre le moment de la pose du diagnostic et le moment de l’apparition des difficultés de lecture. Ainsi, la personne risque d’abandonner une partie de ses activités, comme la lecture, des activités domestiques, certains loisirs ou certains déplacements, avant que le suivi en réadaptation soit réalisé. Les risques sont donc importants si elle est active professionnellement, engagée dans des rôles sociaux ou familiaux, et si elle conduit encore une voiture. L’Académie américaine des ophtalmologues (AAO, 2017) proposent que les patientes et patients soient informé-s des services de réadaptation existants en BV. Il est prouvé que la réadaptation visuelle améliore la lecture et la qualité de vie: «même une perte de vision précoce ou modérée peut entraîner une invalidité, ce qui peut causer de l’anxiété et impacter les activités quotidiennes » (AAO, 2017, p. 235). Cet avis est partagé par les auteurs de l’étude suisse COVIAGE (Coping with visual impairment in old age: gérer un handicap visuel à un âge avancé) (Seifert et Schelling, 2017), qui recommandent de référer les patientes et patients à un service de réadaptation en BV dès que l’évaluation ophtalmologique indique que le trouble visuel, malgré le traitement médical, est permanent ou prolongé. L’intervention de réadaptation en BV devrait se faire «à côté des examens et des traitements médicaux (et pas seulement une fois terminés), afin d’assurer le maintien des compétences de la vie quotidienne et de garantir le développement de nouvelles ressources spécifiques permettant de vivre avec une capacité visuelle réduite» (Seifert et Schelling, 2017, p. 36). Selon les spécialistes de la réadaptation en BV interrogés, les patientes et patients qui sont référé-es tôt vers un service de réadaptation en BV peuvent en effet maintenir leur autonomie plus longtemps. Les spécialistes de la réadaptation en BV estiment aussi que les personnes concernées adhèrent plus facilement à une réadaptation lorsqu’on leur présente les possibilités d’aide qui existent et qui sont adaptées à leurs besoins au moment de la consultation.
Un-e ophtalmologue et un-e spécialiste de la réadaptation en BV interrogé-es ajoutent cependant que tant que leur vue n’est pas trop abaissée, les personnes semblent peu demandeuses d’une intervention en BV. Ce constat est souligné dans l’étude COVIAGE:
Il se révèle clairement que de nombreuses personnes qui souffrent d’une perte de vision progressive ne la perçoivent pas immédiatement comme un handicap visuel et ne s’efforcent donc peut-être pas non plus explicitement de trouver de l’aide externe au-delà de l’ophtalmologie. (Seifert et Schelling, 2017, p. 35)
Comme la DMLA est une maladie qui évolue progressivement, le quotidien est lui aussi adapté progressivement par les personnes concernées et leurs proches (Seifert et Schelling, 2017). Les personnes renoncent d’abord à certaines activités quotidiennes ou à certains loisirs lorsque leur perte de vision les rend plus difficiles à réaliser ou demandent de l’aide à la famille proche pour la réalisation des activités quotidiennes qu’elles veulent poursuivre. Cela peut expliquer pourquoi les personnes ne sollicitent pas les services de réadaptation en BV directement après avoir reçu un diagnostic. Même si plusieurs spécialistes interrogés dans cette étude soutiennent qu’une intervention par des spécialistes en BV doit se faire le plus vite possible après la pose du diagnostic, cela ne garantit pas que les personnes concernées soient preneuses. Il est donc essentiel de mieux documenter l’expérience que font les personnes de la DMLA au quotidien pour adapter les interventions à leurs besoins concrets et attentes. Cela est actuellement en cours avec l’étude UCBA «PROVIAGE – Pour un réseau professionnel en cas de déficience visuelle à un âge avancé» (informations: ucba.ch/recherche).


Mira Goldschmidt est indépendante, spécialiste en basse vision et consultante en accessibilité.

Clarisse Mottaz est ergothérapeute et assistante d’enseignement HES à la Haute Ecole de Travail Social et de la Santé Lausanne (HES-SO).

Romain Bertrand est ergothérapeute, maître d’enseignement HES à la Haute Ecole de Travail Social et de la Santé Lausanne (HES-SO)


Références bibliographiques:

American Academy of Ophtalmology (AAO) (2017).Vision Rehabilitation Preferred Practice Pattern ®. Ophthalmology, 125(1), P228-P278. http://dx.doi.org/10.1016/j.ophtha.2017.09.030

Seifert A.; Schelling H-J. (2017) Gérer un handicap visuel à un âge avancé: Rapport de synthèse de l’étude COVIAGE. Suisse: Union Centrale Suisse pour le Bien des Aveugles (UCBA). www.ucba.ch/ recherche