Handicap visuel chez les personnes âgées: attention aux confusions

Qu’en est-il lorsqu’une personne handicapée de la vue devient démente ou qu’une personne démente perd la vue? L’UCBA a chargé l’institut spécialisé dans les questions liées à l’âge de la haute école spécialisée de Berne d’étudier cette thématique. Jusqu’ici, la méconnaissance en la matière a desservi bien des personnes. Il s’agit de remédier à cette situation.

par Stefan Spring, chargé scientifique à l’UCBA

Des messages fl ous et cachés peuvent provoquer de graves confusions dans l’évaluation de la démence.Lors d’un séminaire international en Suède en automne 2012, les experts ont manifesté leur indignation face à la manière dont sont effectués les tests de démence. Par la suite, je me suis laissé dire que les manuels contenant les tests les plus courants rappellent bien qu’il convient de tenir compte de l’éventuelle présence d’un handicap visuel ou d’une surdité totale ou partielle, voire du double handicap sensoriel, aussi bien lors des tests eux-mêmes que lors de leur évaluation. En principe, c’est très bien. Mais qui lit vraiment les remarques en tout petits caractères?

Bien des personnes âgées tentent de s’accommoder chaque jour discrètement, tant bien que mal, des troubles visuels qu’elles n’avouent ni aux professionnels ni à leur entourage ni à elles-mêmes. Malheureusement, des collègues expérimentés spécialisés dans l’accompagnement des personnes âgées confirment ce constat. La thèse suivante peut ainsi être énoncée: des confusions peuvent apparaître entre les symptômes de maladies psycho-gériatriques (formes de démence) et les symptômes de handicaps sensoriels, ce qui est préjudiciable pour la qualité de vie, le soutien et l’accompagnement des personnes concernées.

Si cette thèse se confirmait, des cas de démence seraient suspectés de façon erronée dans la pratique. Mais comment diagnostiquer correctement une démence chez une personne handicapée de la vue? Comment organiser une prise en charge
et un accompagnement qui tiennent adéquatement compte du handicap visuel? Dans le cadre de son étude, l’institut susmentionné s’est penché sur ces questions. Paru à la mi-novembre, son rapport est disponible auprès de l’UCBA (cf. encadré).

Une analyse approfondie de la littérature existante ainsi que 15 entretiens avec des experts du diagnostic et du traitement de la démence (consultations de la mémoire), des médecins généralistes et des professionnels de la typhlophilie ont confirmé notre thèse: les gériatres et les collaborateurs des consultations de la mémoire sont certes conscients de l’interaction entre un handicap visuel – dissimulé avec succès ou manifeste – et un début potentiel de démence. Toutefois, les médecins spécialisés ont tendance à sous-estimer, lors du diagnostic, les conséquences éventuelles d’une multimorbidité. Aussi, lors du diagnostic,
les troubles de la vue ou de la surdicécité ne sont évalués que superficiellement. Des tests spécifiques font défaut. En présence d’un handicap visuel lors du diagnostic d’une démence, la partie des tests qui font appel à la vision est simplement supprimée. Toutefois, les résultats ainsi obtenus ne peuvent plus être comparés à des données normées.

Suivant la spécialisation du médecin, l’accent du diagnostic portera plutôt sur la démence ou sur le trouble visuel. Le   ralentissement des activités lié aux troubles visuels peut par exemple déjà être interprété à tort comme un déclin des facultés intellectuelles du sujet. La diminution d’intérêt d’une personne pour la lecture de la presse écrite peut être attribuée, selon le point de vue adopté, à un trouble visuel ou à une sollicitation cognitive excessive. L’incapacité de remettre la main sur un
objet peut également être interprétée de différentes manières.

Indépendamment de l’approche choisie, tous les experts s’accordent à dire que lorsque démence et troubles de la vue ou malentendance-malvoyance se conjuguent, le quotidien des patients et leur traitement par les professionnels deviennent
infiniment plus complexes. Il est donc primordial que l’entourage informe les professionnels dès le diagnostic, mais surtout aussi au fil de l’accompagnement puis, plus tard, des soins, de tout handicap visuel ou de toute surdicécité de la personne concernée afin de combler les éventuelles lacunes.

Les EMS ne prodiguent guère de soins et un accompagnement qui tiennent suffisamment compte du handicap visuel. Des  examens de la vue et de l’ouïe devraient faire partie intégrante des formalités d’admission et de la planification des soins, puis être renouvelés d’office périodiquement, dans toute institution pour personnes âgées.

La malvoyance et la surdicécité restent invisibles avec l’âge, ce qui peut se révéler grave pour la personne concernée. L’UCBA compte utiliser les résultats de l’étude commandée pour continuer à sonder les conditions de vie des personnes âgées handicapées de la vue et à s’engager à tous les niveaux pour une meilleure reconnaissance de leur situation. Nous allons aussi examiner minutieusement si la stratégie nationale en matière de démence, que le Conseil fédéral s’apprête à publier, prend en considération un éventuel handicap visuel ou une surdicécité concomitante. En collaboration avec les spécialistes de la démence et de ses différentes formes, nous allons planifier des interventions poussées et éventuellement d’autres études en vue de promouvoir la qualité professionnelle également dans cet important secteur du travail avec les personnes âgées.

Titre de l’étude de référence
«Demenz und Seh- / Hörsehbeeinträchtigungen. Eine Untersuchung zur wechselseitigen Beeinflussung von Demenz und Seh-/Hörsehbeeinträchtigung in der Diagnostik bei älteren Menschen.» (Démence et handicap visuel / surdicécité. Examen des interactions entre démence et handicap visuel / surdicécité lors du diagnostic chez les personnes âgées). Auteurs: Blaser R.,
Wittwer D., Berset J. & Becker S., 2013. Disponible en allemand uniquement, par courrier électronique auprès de spring@szblind.ch. Un résumé en français pourra être demandé ultérieurement à l’adresse ci-dessus.