Laurent Galley, Bibliothèque Braille Romande et Livre parlé
Christian Bobin: La grande vie, 2014
1 Livre Audio Daisy (01h30 min.)
Des phrases simples, évidentes, presque pures ou minimalistes. Des vérités profondes dont la simplicité ne permet guère de passer outre. Ainsi peut-il écrire: «Ce qu’on appelle un poète n’est qu’une anomalie de l’humain, une inflammation de l’âme qui souffre au moindre contact – même à celui d’une brise.» Ecriture presque anodine, mais qui étire au possible
la moindre sensibilité, précisément; le plus désuet devient sous sa plume considérable. On y devine également que la moindre sensation exacerbe une instabilité qui suppose de s’en prémunir par la réflexion que permet l’écriture: «Je jette le filet de mes yeux sur les eaux du monde détruit, puis je le ramène à moi et je sauve le poisson d’or.» Passant d’un risque à une reconquête, tout le style de Bobin est une tentative permanente de se réapproprier ce qui se perd à mesure et dans l’immédiat: le sens de la vie. Tout ce que se sont toujours proposé de faire les écrivains et les poètes en prise directe avec la substance même du monde. Une manière élégante aussi de sauver sa peau comme celle des autres.

Laurent Galley, Bibliothèque Braille Romande et Livre parlé
Antoine Choplin: La nuit tombée, 2012
Livre Braille Intégral (2 volumes) Un roman qui puise son inspiration dans une tragédie vieille de trente ans, Tchernobyl, et qui se maintient dans l’actualité des suites de la catastrophe de Fukushima. Si ce n’est qu’Antoine Choplin aborde le sujet sur un plan bien différent: il décrit le climat post-nucléaire, la vie après la catastrophe et, il faut bien le dire, la paradoxale beauté des villes abandonnées, ou laissées à une reconquête de la nature à l’état sauvage, ou au milieu des ruines d’une civilisation, entre rouille et gasoil, apocalypse et résurrection. Quand un no man’s land oscille entre le paradis retrouvé et l’enfer permanent. Le style de l’auteur semble lui-même s’inspirer d’écrivains contemporains d’une autre apocalypse, celle de la guerre nucléaire, avec le phrasé bref et court, froid et sec, d’un Samuel Beckett – tout à fait approprié à la situation.

Giovanni Masala, Bibliothèque sonore romande
Giuseppe Tomasi di Lampedusa: Le professeur et la sirène
L’une des oeuvres les plus extraordinaires de la littérature italienne du début du 20è, mais aussi l’une des moins connues. Un jeune homme rencontre dans un café de Turin un vieux sénateur, Rosario La Ciura, helléniste de renommée mondiale et professeur émérite. Le vieil homme raconte les événements de sa vie, jusqu’à ce qu’il lui confie le secret intime sur les raisons de son célibat: alors qu’il était jeune, sur la plage d’Augusta en Sicile, une sirène monte sur son bateau, Ligea, hybride et être immortelle et lui fait présent d’un amour «surhumain». Le vieux professeur, tel un sage antique, parle de la révélation, fait des allusions mystérieuses, son immense culture classique ne se limite pas à la simple érudition, mais est animée d’une passion presque charnelle. Le jeune homme semble fasciné et perturbé, leurs réunions et repas en commun se transforment en une sorte d’initiation. Pour ce qui suit, je vous invite à lire le livre.