Les personnes malvoyantes qui ont l’opportunité de travailler l’exploitent à 150%.

Par Ann-Katrin Gässlein

La nouvelle étude de l’Union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA) dévoile ses derniers résultats: les personnes handicapées de la vue sont confrontées à une inégalité des chances sur le marché du travail. Elles savent toutefois compenser leur handicap, s’organiser et utiliser des moyens auxiliaires même si leurs emplois restent constamment menacés. Les personnes malvoyantes qui réussissent leur vie professionnelle savent exploiter pleinement leurs capacités.

Sandro Lüthi, en conférence avec l'équipe qu'il dirige à 3M GmbH

Il suffit d’informer pour faire tomber les barrières au travail- Photo: kurzschuss, UCBA

L’étude SAMS (Studie zum Arbeitsleben von Menschen mit Sehbehinderung / Etude sur le handicap visuel et le marché du travail), la plus vaste enquête entreprise en Suisse sur ce thème, s’est penchée sur la situation des personnes malvoyantes sur le marché de l’emploi, ainsi que les facteurs favorisant ou défavorisant le maintien d’une activité professionnelle sur le long terme.

De multiples métiers et opportunités

Le pourcentage de personnes malvoyantes ou aveugles qui exercent une activité professionnelle en Suisse est aujourd’hui encore inconnu. La déclaration d’un handicap visuel ainsi que des handicaps de manière plus générale n’étant pas obligatoire, il est difficile d’établir précisément le nombre de personnes malvoyantes. L’UCBA évalue cependant que le nombre de personnes en âge de travailler, entre 20 ans et 65 ans et concernées par un handicap visuel, s’élève à 140’000 pour la Suisse. Une évaluation qui ne permet toutefois pas de déterminer le pourcentage d’entre elles actives sur le marché du travail.

Les personnes au bénéfice d’une formation scolaire de qualité et d’une formation professionnelle achevée ont, en principe, de fortes chances de s’intégrer sur le marché du travail. Près de 47% des personnes interrogées dans le cadre de l’étude SAMS ont indiqué bénéficier d’une « formation tertiaire » comme plus haute formation scolaire achevée.

C’est un pourcentage similaire qui représente les personnes ayant suivi et achevé le degré secondaire II. L’étude SAMS s’est également penchée sur la variété des métiers exercés par des personnes malvoyantes. Plus de 84 métiers différents ont été dénombrés. Les plus fréquemment cités sont les suivants : employé de commerce, divers métiers administratifs, informaticien, travailleur social, main d’œuvre occupant une fonction de cadre ou d’expert, comptable et juriste, masseur et physiothérapeute, journaliste, enseignant spécialisé et pédagogue spécialisé ou autre activité qualifiée. Une comparaison avec le reste de la population active (enquête suisse sur la population active ESPA) démontre que les personnes malvoyantes sont plus souvent actives dans le secteur des services que dans la production de biens ou dans le secteur de l’agriculture.

Un choix professionnel qui reste toutefois restreint pour les jeunes malvoyants.

L’intégration des personnes malvoyantes sur le marché du travail suscite des réflexions autour des métiers appropriés et des fonctions pouvant être exercées. Dans une telle situation, les centres de consultation et de réadaptation informent les personnes malvoyantes des possibilités de reconversion dans toutes les régions de Suisse. SBHprofessional, à Bâle, fait notamment partie des centres les plus reconnus dans ce domaine.

Parler du handicap visuel

La diminution de la capacité visuelle au cours de la vie professionnelle peut entraîner une grande insécurité chez les personnes concernées qui se questionnent constamment sur leurs capacités et les enjeux liés à leur activité. Soucieuses de leurs performances, de l’épuisement croissant d’une journée de travail et des risques encourus, ces interrogations les poussent souvent à remettre en cause la valeur de leurs efforts.

La dissimulation de la déficience visuelle à son employeur est fortement déconseillée. Les risques d’erreurs et d’épuisement augmentent dans les cas où la personne refuse de parler de son handicap et de bénéficier de moyens auxiliaires. L’étude SAMS démontre qu’une information ouverte et régulière auprès des collègues et des supérieurs aurait un effet très positif sur l’environnement de travail. Si la démarche demande du courage, l’effort est bénéfique et influence positivement la performance, la sécurité et la bonne entente entre collègues.

Formation continue et moyens auxiliaires techniques

Outre la communication proactive du handicap visuel, des formations continues régulières sont un atout de plus favorisant la réussite professionnelle. Un domaine qu’il est encore important de promouvoir auprès des personnes malvoyantes qui participent plus rarement que leurs collègues aux formations continues. Malheureusement, ces formations, organisées par branche professionnelle, restent peu accessibles aux personnes concernées par ce handicap.

Si le meilleur équipement technologique ne peut faire disparaître un handicap visuel, il peut influencer positivement ses conséquences. Les moyens auxiliaires proposés permettent d’augmenter leur habilité sur le lieu de travail. Nombre d’entre elles se servent, avec une grande facilité, de lunettes-loupes, de lunettes à verres filtrants ou de moyens auxiliaires électroniques modernes.

Les conditions du poste de travail permettent également de faciliter le travail d’une personne malvoyante. Un éclairage individuel adapté ou de plus grande puissance, une protection occulante et anti-éblouissante ainsi que des informations régulières sur les prochaines mises à jour de logiciel, dans le cas où des adaptations seraient nécessaires, offrent à la personne malvoyante un environnement de travail favorable à son épanouissement.

Veiller à se reposer

Travailler malgré un handicap visuel est fatigant et exige une concentration maximale. Le trajet jusqu’au travail est déjà une épreuve difficile pour une personne malvoyante. En y ajoutant les préparatifs des séances, souvent de plus longue durée et qui nécessite dans certains cas le soutien de collègues, on constate rapidement que les personnes malvoyantes engagées activement dans le milieu professionnel, ont besoin de phases de repos et de pauses régulières.

L’étude SAMS

Dans le cadre de l’étude SAMS, les chercheurs ont réalisé plus de 300 interviews et entretiens de personnes malvoyantes, d’employeurs et de supérieurs de personnes concernées par ce handicap. L’étude a été réalisée par la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW) et soutenue financièrement par le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH), le Pour-Cent culturel Migros, la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA), l’Union suisse des aveugles (USA) et SBH Bâle.